Le crépuscule des mouflons (1).

Publié le par Didier

    Et oui, je sais, je suis un petit peu en retard au rendez-vous promis, mais il faut dire que j'ai fort à faire! Les fêtes de fin d'année approchent, et j'ai été nommé grand organisateur alors que je ne comptais être qu'acteur. Déjà, ce dernier rôle m'occupait beaucoup; non seulement j'ai prévu de leur raconter les aventures de Corrobo Ambroise lors de la soirée cabaret du 31, mais en plus il faut que je chante lors du concert de l'OP4, la semaine prochaine! Je profite de cette occasion unique : tout un orchestre dernière moi. Mais voilà, les répétitions se succèdent et la coordination n'est pas encore au top : c'est autre chose que de chantonner tout seul dans sa cuisine! 
  Mais cela est une autre histoire, revenons donc à nos moutons, à nos mouflons pardon. Ah oui, je ne vous ai pas dit, mais il y a aussi des moutons à Kerguelen. Cela aussi est une autre histoire (quel programme!).

   Les mouflons donc, ont été introduits sur Kerguelen en 1957. Un seul couple, issu de nos montagnes Corses, a été amené sur une île du Golfe du morbihan, l'île Haute. On ne sait s'ils ont été très amoureux l'un de l'autre, mais en tout cas, ils ont eu une grande descendance, puisqu'en 1974, on en a compté jusqu'à 600! L'île Haute, faisant 8 kilomètres de long sur 1 de large au maximum, cela fait une belle densité pour cette famille nombreuse. La sélection naturelle par la rigueur du climat, a fait que cette population est très viable, contrairement à ce que l'on pourrait supposer étant donné la consanguinité particulièrement élevée de ses individus.

 Plusieurs diminutions drastiques pour causes naturelles de cette population ont eu lieu dans son histoire, avec à chaque fois un redémarage sur un nouveau cycle de croissance explosif. Il a été décidé il ya quelques années de stabiliser cette population, avec un nombre idéal devant se situer autour de 150; la régulation étant effectuée par des tirs plus ou moins sélectifs.
   Et puis subitement, il y a peu, il a été décidé d'éradiquer le mouflon de Kerguelen. Cela va permettre d'inscrire sur un compte-rendu envoyé à Bruxelles une action positive concernant l'éradication des espèces introduites artificiellement. L'espèce est circonscrite à un périmètre relativement étroit, il suffit de tirer sur tout ce qui bouge jusqu'à ce qu'il n'y ai plus de mouvements. Facile?

 Que nenni! Nous l'allons voir de ce pas...

  J'ai été choisi pour accompagner Max, alias Terminator, le VCAT (volontaire civil à l'aide technique) chargé de la basse besogne. Nous voilà donc reparti sur l'Aventure, le seul bateau de Kerguelen, bien connu de vous maintenant, qui va nous amener à "Haute".


Il fait très beau pour ce départ, je vais pouvoir filmer un petit peu, ce qui n'était pas le cas les dernières fois.

Voilà donc ce que donne du beau temps sur l'Aventure:

 



 Et nous sommes dans un golfe, très abrité des vents, avec un fetch très court, c'est à dire la distance sur laquelle peut se former une houle. Pas loin, dès la sortie du golfe, c'est vraiment les cinquantièmes hurlants...

 

 
Après dépose, nous emménageons dans la cabane qui sera notre refuge,

pour les quatre prochains jours. Charmant endroit, avec vue sur le golfe.





  Un petit tour du propriétaire me permet très rapidement de découvrir une plaque commémorative,

histoire de se mettre dans l'ambiance.
  Elle a trait à un accident survenu sur le perron même de la cabane, un jour de l'année 2000 où le médecin de la mission a tué son compagnon d'une balle de calibre 300 winchester, alors qu'ils étaient venus passer le we.    Ayant aperçu des mouflons non loin, ils sont sortis avec une balle engagée dans le canon et le doigt...sur la détente. Un trébuchement plus tard, et celui qui était devant s'est trouvé transpercé à bout portant près du coeur par une balle qui est, par ailleurs, capable de parcourir environ 5 km.
   Depuis, les we chasse "loisir" sont interdits à Haute...

 Le temps de la chasse, c'est le matin, mais vraiment de très bonne heure. Le soleil se levant en ce moment vers 4h, il nous faut nous lever vers 3h30 pour être opérationnels au point du jour.                                                 

  Dans ces cas là, j'ai une pensée particulière pour Pierre qui aime tellement se lever en pleine nuit.

  Le spectacle est au rendez-vous, le ciel s'embrase à l'arrière d'une perturbation qui nous a donné de la pluie et du vent violent quelques heures auparavant.

  Et la partie de cache-cache mortel s'engage. Outil primordial : les jumelles. Il est en effet impossible d'approcher ces animaux, pourchassés depuis des années sans d'infinies précautions. Il faut d'abord procéder au repérage en ayant soin, et c'est capital, d'avoir le vent contre soi. Ces mouflons ont un odorat mais aussi une ouïe et une vue exceptionnels. Eux nous repèrent à des kilomètres...
  
   Ce coup-ci, c'est raté, ils nous ont entendu...ou vu.
   Nous repartons dans l'autre sens, pour entamer le tour de l'île de façon à continuer à avoir un vent favorable.
 
 Le terrain est difficile sur la face nord de l'île, la pente forte, et ce n'est qu'éboulis parsemés ici ou là par quelques touffes d'acaena qui tentent désespérément de s'accrocher. Le moindre faux pas et l'on se retrouve à l'eau 100m plus bas dans un état vraisemblablement très diminué. Et ici, il n'y a pas d'hélico pour venir nous chercher. 


 


 Chaque pas est réfléchi, mais on ne peut empêcher parfois une pierre de dévaler la pente, et hop, plus de mouflons sur les deux ou trois prochains kilomètres...
   J'en profite pour soufler un peu, il est 7h 30, déjà trois heures et demi de marche et on n'a pas encore atteint la moitié de l'île dans ce sens, sachant qu'il y a le retour!
  Il n'est pas interdit non plus de prendre un instant pour observer d'autres animaux.
 Voici l'albatros à sourcil noir que je ne vous avais pas encore présenté. Ici, un jeune nourri par l'un des parents. Il est plus petit que le grand albatros mais plus gracieux à terre et tout aussi majestueux en vol.



 Et là, un couple de Chionis. Si ceux là ne sont pas amoureux, alors je ne sais pas de quoi je parle. Ils sont inséparables ces couples, se suivant l'un l'autre en permanence. Seuls moments de dispute, en présence de nourriture, c'est chacun pour soi; la loi de la nature reprend le pas sur les sentiments.

 

 


 Vous reconnaissez les Skuas. Un couple qui défend son petit au premier plan.
  Je n'ai jamais vu ailleurs dans le monde de nid posé comme cela, sur terrain découvert, on ne trouve cela que sur des terres perdues, loin de l'homme et des prédateurs.

 

 Mais voilà, avec leurs cris, les mouflons sont partis encore plus loin.


 (suite au prochain numéro...pour des raisons de bande passante anémique, je suis obligé de scinder les articles. Ce n'est pas une sinécure d'alimenter un blog depuis les eaux subantarctiques, il m'a fallu cinq heures pour constituer, et surtout envoyer, cette page!)

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Didier,<br /> <br /> Effectivement, il ne faut pas avoir le pied lâche quand on se balade sur ces petits chemins ! En voyant l'heure (des plus matinales) de ton départ, je n'ai pu m'empêcher de penser que cela ne doit pas être fun .... et cela m'a fait plaisir de voir que tu avais fait le rapprochement, dans la phrase suivante :-)<br /> <br /> Bye,<br /> <br /> Pierre
Répondre