Le "Vendée Globe" aux Kerguelen.
Il est arrivé déjà dans le passé qu'un concurrent du Vendée Globe en difficulté dans l'océan Indien sud vienne relacher aux Kerguelen. Cette année, j'aurais eu le rare plaisir d'en voir arriver deux coup sur coup.
La presse s'est largement fait écho de ces évènements, mais voici la véritable histoire...
Tout commence le mercredi 10 décembre. Nous apprenons que Loïck Perron vient de démâter et compte tenter de rallier Port aux Français. Les informations contradictoires se succèdent ensuite. Il doit successivement se rendre plutôt en Afrique du sud, puis en Australie puis de nouveau sur Kerguelen. Finalement, il repart ailleurs. Le lendemain, jeudi, Dominique Wavre annonce qu'il a explosé sa tête de quille. Il est dans l'immédiat Ouest-sud-ouest de Ker qu'il va tenter de rejoindre au ralenti.
Cela sera chose faite le vendredi suivant alors que l'OP4 vient juste de démarrer suite à l'arrivée récente du MD.
On le voit ci-contre approcher de Paf
au moteur en avant lente.
Un corps mort a été révisé entre temps pour lui, et un zodiac de la base vient à sa rencontre pour l'aider à frapper l'aussière sur la bouée.
Quelques manoeuvres plus tard, Temenos II est amarré et nous recevrons son skipper Dominique sur la base durant les jours suivants, il a du abandonner la course qui est sans escale ni assistance.
Le but est de tenter de réparer la tête de quille avec les moyens dont nous disposons puis de repartir sur l'Australie. Nos mécaniciens montent donc à bord dès le dimanche matin pour évaluer la situation.
Entre temps, dans la journée de samedi, nous apprenons que son compatriote Suisse, Bernard Stamm, un autre favori de la course, a des petits soucis de safrans. Du jeu dans les axes lui interdit de continuer à foncer à près de 20 noeuds de moyenne dans les "cinquantièmes". Il compte relâcher à Paf pour réparer lui même le plus vite possible et repartir dans la course. A 230 milles de Kerguelen lors de la décision, il arrivera à Paf le dimanche en fin de journée. Le vent est alors de NW et soufle à 40 noeuds avec des rafales à 50. Dominique est allé à sa rencontre avec un zodiac du MD qui accompagne la fin de parcours vers une bouée de corps mort qui a été mise en place pour la circonstance. Bernard est épuisé, il compte une à deux heures de sommeil maximum depuis plusieurs jours. L'arrivée sur la bouée se fait vent arrière, et ...ils loupent la bouée pendant que les gars sur le zodiac font...des photos. Bernard tente un demi tour, mais avec un moteur de 37 chevaux pour un 60 pieds open de 9 tonnes et avec des rafales à près de 100 kmh, c'est peine perdue! Le bateau dérive vers une zone très fournie en algues laminaires très épaisses, et rapidement, alors que la nuit tombe (raison pour laquelle je n'ai pas de photos), il se retrouve sur les cailloux.
(les photos date du lendemain)
Pendant quelques heures, ils vont tenter tout ce qui est possible pour sortir le bateau de là, mais rien n'y fait. La mer monte et dépose "Cheminées Poujoulat" sur les rochers, non loin de la base.
Le lendemain matin, il a tossé toute la nuit sur les rochers, et tout l'arrière babord est enfoncé avec une grosse brèche dans le carbone de la coque.
Quel désastre, alors qu'il n'y avait au départ qu'un peu de jeu dans les safrans...
Le marin que je suis ne peut s'empêcher de frémir à l'idée d'être concerné de plus près un jour par une fortune de mer de ce genre.
Le bonbon, lui, n'est pas vraiment choqué!
A terre les restes du naufrage...
Et puis les dégats colatéraux.
Pour aider les tentatives de sauvetage, et éclairer la scène nocturne, le camion de pompier a tenté de se rendre sur place. C'était sans compter sur les souilles traitresses qui parsèment le terrain.
Et comment fait-on maintenant s'il ya le feu au village?
Epilogue :
Le camion sera vite sorti de là.
Bernard Stamm, dans son malheur, a eu la chance d'avoir la présence du Marion Dufresne sur lequel on a pu hisser son voilier qu'il va pouvoir ramener en Europe.
Dominique Wavre est reparti mercredi vers l'Australie avec une pièce faite maison et des recommandations de mettre la pédale douce. Mais un courreur est un courreur, il est parti à "fond la caisse", et hier la pièce a recassé. Procédure d'urgence, risque de nouveau de perdre la quille et le bateau...Impossible de faire demi tour, donc poursuite du trajet vers l'Australie. Suite à la télé...
Je n'ai pas osé prendre de photos de ces marins dans le malheur. On a passé avec eux quelques jours et tenté de leur redonner le moral. Personnellement j'ai surtout beaucoup discuté avec Dominique à qui j'ai confié mon projet de navigation et qui me donnera des tuyaux quand je le recontacterai en France métropolitaine.
Voilà une OP4 passionante donc. Décidément à Kerguelen, quand on ne va pas à l'aventure, l'aventure vient à nous..